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Le journal d’une camgirl : webcam, chèques cadeaux et porno

camgirl cadeau

Cela fait plus de deux ans que je fais de la webcam. J’ai l’impression d’avoir beaucoup appris sur moi et sur le métier durant cette deuxième année. Je me sens plus professionnelle, plus légitime. Je suis camgirl, oui, maintenant je peux vraiment le dire sans avoir l’impression d’usurper une position qui n’est pas la mienne.

J’ai fait plein de shows, j’ai même essayé en duo. J’ai des clients réguliers pour les shows privés. Et puis merde, première place sur Chaturbate et sur Cam4, ce n’est quand même pas rien !

Beaucoup de choses se sont passées depuis le mois de mai dernier.

J’ai essayé d’en faire trop et je me suis fourvoyée.
J’ai succombé à la pression et j’ai dû tout reprendre à zéro.
J’ai ressenti de la jalousie, sentiment que je déteste sans doute le plus au monde.
Je me suis à nouveau sentie mal dans ma peau, moche, grosse (mais ça hélas ce n’était pas une nouveauté) et il a fallu autant de compliments, de gentillesse et d’amour pour que j’arrête de focaliser là-dessus et que je reprenne un peu confiance en moi.

J’ai reçu des dons en argent et plein de cadeaux. J’en reviens toujours pas aujourd’hui que les gens puissent être si généreux avec moi. Les cadeaux me posent parfois question, comme j’en ai déjà parlé. J’essaie de me détacher de la personne matérialiste que j’ai pu être. Alors dans mes listes d’envies j’inclus des choses nécessaires parmi les cadeaux plus fun (je sais que les viewers préfèrent offrir des choses légères, ce que je peux comprendre). J’aimerais parfois qu’on m’offre des objets d’occasion, ou qu’on me donne de l’argent pour payer mon loyer, mais je ne peux pas obliger les gens à faire ça. Cela dit, de la même manière que je ne mettrais pas tout mon salaire dans des jouets, je préfère que ma wishlist comprenne aussi des objets qui me serviront dans mon quotidien. Comme ce tapis de bain par exemple.

Je ne vais pas non plus exagérer ou me plaindre, ça fait extrêmement plaisir d’être gâtée et croyez-moi, je suis une gamine face à un cadeau : je saute partout et je déchire le paquet sans attendre. C’est juste que j’ai essayé de me mettre à consommer « responsable » alors je n’ai pas envie qu’on m’offre des trucs dont je n’aurais pas l’usage.

J’ai reçu pas mal de remarques sur mes listes de cadeaux. Déjà on me critique parce que j’ai une wishlist et une cagnotte. Désolée (non), mais c’est comme ça que ça marche le métier de camgirl. Les cadeaux et les dons font partie intégrante de mon salaire. Et puis, c’est ma récompense contre le fait que mon cul (piraté) sera sur internet à vie et le stigma quotidien que je subis parce que j’ai choisi d’être une travailleuse du sexe. On me critique aussi parce que je me paie le dentiste avec l’argent gagné à la cam, parce que sur ma wishlist j’ai mis une théière et des lampes de chevet… Et alors ? Vous achetez quoi vous avec votre salaire ? Je suis comme tout le monde, j’ai besoin de couteaux de cuisine et j’ai des frais de santé. Et on le sait que si j’avais mis des robes et des chaussures, je me serais fait insulter parce que trop superficielle.

De toutes façons, des critiques et des insultes, j’en reçois presque tous les jours maintenant et je fais avec. Quand ce n’est pas un client potentiel qui ne comprend pas que je demande de l’argent pour un show, c’est un autre mec qui ne me connaît même pas et qui me juge ou qui fait des vannes sexistes ou grossophobes pour gratter des likes. Je suis de plus en plus furieuse quand je lis des choses pareilles. Pas parce que je me vexe, non, j’assume totalement ce que je fais et je le vis très bien… Quant à me dire « t’es grosse »… ils pensent peut-être que je n’avais pas remarqué ? Que c’est les premiers à le dire ?

Ce qui me rend malade c’est qu’on soit assez bête ou si peu éduqué pour insulter une femme uniquement parce qu’elle a choisi de travailler avec son corps, ça ça commence à vraiment me saouler. La vérité c’est que la plupart des gens ne comprennent rien à la webcam. J’entends souvent le mot prostitution, qu’on me jette sans savoir, comme une insulte. Pourtant, c’est un métier totalement différent : je n’ai jamais vécu ce que les prostituées vivent et il est hors de question que je m’approprie ce mot, que je m’exprime à leur place alors qu’elles ont besoin qu’on les écoute elles.

Extrait du site Le cul entre deux chaises.

 

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