Les contes traditionnels sont sexistes selon les partisans de la théorie du genre. Des inquisiteurs zélés veulent censurer Blanche Neige et les Sept Nains.
Interview d’Isabelle Kersimon, journaliste indépendante.
Une étude issue de l’examen minutieux de 22 manuels de CP publiés entre 2008 et 2015, relève que 39% de femmes y sont représentées et cantonnées à des rôles de mère et de cuisinière tandis que les hommes bricolent et font du sport. Autre aspect pointé du doigt par l’étude: la résistance envers la féminisation des mots, notamment de métiers et les contes traditionnels jugés sexistes. Najat Vallaud-Belkacem, a réagi en indiquant que les manuels scolaires vont être modifiés afin de lutter contre les stéréotypes de genre.
Que cela vous inspire-t-il?
Les petites filles que l’on croise dans les écoles ne me semblent pas particulièrement enclines à jouer un rôle de parfaite petite ménagère. La littérature enfantine, les séries qu’elles regardent à la télévision, le discours même de la société ne me paraît pas vraiment relever d’une injonction oppressive qui les déterminerait à… ne pas bricoler? ne pas faire de sport?
Le développement de notre psyché en tant qu’être humain ne dépend pas, je pense, de la représentation non paritaire des femmes dans les manuels de CP… Par ailleurs, les jeunes pères d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose en commun avec les patriarches d’antan et, paradoxalement, ce sont bien des femmes, contraintes d’élever seule leurs enfants, qui doivent s’affranchir de leur douceur pour affirmer une autorité absente, cette autorité du repère absolument nécessaire au développement d’un petit humain.
Ce qui me semble bien plus urgent à transmettre, c’est le goût de la curiosité et par là celui de l’apprentissage, la capacité à se concentrer, à se construire, en somme, en tant qu’être autonome. En l’occurrence en tant que femme dont l’émancipation en acte ne souffrira, lorsque ces enfants grandiront, aucun doute. L’on ne devient une femme libre qu’en recevant une éducation digne de ce nom, en accédant aux textes et aux arts, donc aux esprits, qui nous devancèrent.
Enfin, notre gouvernement va-t-il s’attaquer aux magazines dits «féminins»? Ils s’intéressent surtout aux cotillons, aux minauderies, aux horoscopes et aux recettes de cuisine. Que fait la police?
Vous avez récemment révélé l’affaire du salon de la femme musulmane qui n’a suscité aucune réaction de la part du gouvernement. Celui-ci a-t-il le sens des priorités?
La priorité si l’on souhaite émanciper les jeunes filles réside en effet pour moi dans la garantie de leur égalité de traitement avec les jeunes garçons: ni voile, ni «pudeur» imposée au nom du prétendu respect d’un texte sacré, ni espaces réservés (ce qui signifie donc «espaces interdits»). En ce sens, c’est sur la laïcité que le gouvernement devrait plancher, prouver qu’il se soucie du droit des femmes et affirmer ses valeurs de défense d’icelles. Quand des imams tiennent les femmes pour des créatures d’obéissance à leurs époux, pères, frères, et les encouragent à ne pas se mélanger aux hommes, voire aux incroyants, on est très loin d’une politique d’émancipation!
Les femmes ont gagné à la force de leur courage une accession à des droits, des lieux, des pratiques qui leur étaient interdites. La banalisation du discours de ces prédicateurs, tout comme, d’ailleurs, au passage, les propositions de Pierre Manent dans son Situation de la France représentent, pour les femmes, un danger réel qu’il faut combattre et que des féministes et des associations laïques combattent. En l’occurrence, pour ce qui concerne l’affaire de Pontoise, l’Observatoire de la laïcité du Val d’Oise, engagé dans un combat au long cours, ou encore Yaël Mellul qui se bat contre les violations au principe d’égalité femmes-hommes.
Quel regard portez-vous sur le féminisme contemporain? Celui-ci répond-il au vrais enjeux?
Certaines féministes combattent ce que je considère être de vrais enjeux, notamment l’abus de pouvoir et une domination violente, destructrice, allant parfois jusqu’à la mort de la victime. Le harcèlement, le viol sont commis par des hommes sur des femmes. Apprendre aux enfants que «les hommes sont libres et égaux en droits» en leur expliquant que les femmes sont tout aussi libres et égales demeure fondamental.