Présenté en compétition officielle au festival de Cannes le 26 mai et sorti le même jour en salles, ce film de François Ozon raconte l’histoire de Chloé (Marine Vacht), une jeune femme fragile qui se met en couple avec son psy Paul (Jérémie Rénier), et qui découvre qu’il lui cache une partie de son identité.
Rapidement, Chloé développe une relation avec le jumeau de son compagnon, Louis, également psy et doté d’une personnalité diamétralement opposée à celle de son frère. Ce jumeau «maléfique» est beaucoup plus agressif et macho. Une scène du film résume en particulier cette relation violente. Alors que Chloé rend visite à Louis dans son cabinet, ce dernier commence à la toucher. L’héroïne refuse de se laisser faire. Elle proteste, mais le jumeau continue sans se soucier de son malaise, et la force physiquement. Il lui met alors violemment la main dans la jupe, ignorant encore et toujours les protestations de la jeune femme qui ne parvient pas à se débattre. Mais peu à peu, Chloé se laisse faire et commence à prendre plaisir aux attouchements de Louis.
Cette scène est un exemple typique de la culture du viol au cinéma. En filmant cette scène de la sorte, François Ozon sous-entend que le consentement n’est pas forcément nécessaire au bon déroulement d’un rapport sexuel. Et sous couvert d’une trame narrative qui illustre l’agressivité du personnage de Louis, la scène suggère que Chloé a en fait été excitée par cette violence.
Comme l’écrit Playlist Society, «L’Amant double véhicule le fantasme du cunnilingus ou du coup de rein contraint et forcé qui finit en plaisir intense; “parce que t’as envie que je te baise” répétera / répéteront ad nauseam le(s) personnage(s) de Renier». Cette scène marque d’ailleurs le début de la relation entre Chloé et Louis, preuve s’il en est que le personnage en voulait davantage, selon le film.
Dans une autre scène encore, alors que Chloé retourne au cabinet de Louis pour essayer de comprendre qui il est, ce dernier se jette sur elle par surprise et commence à la déshabiller de manière agressive. Chloé lui dit qu’elle «ne veut pas», mais il l’ignore et commence à lui faire un cunnilingus. Encore une fois, la jeune femme, qui avait clairement exprimé son refus, se met à prendre plaisir à l’acte.
Ces scènes renforcent le cliché dangereux que les femmes ont juste besoin d’être un peu forcées, et que lorsqu’elles disent non, c’est uniquement pour aguicher l’homme, et non pour exprimer un véritable refus. Comme nous le rappelions dans cet article sur la «culture du viol», le terme désigne une société ou culture dans laquelle la violence sexuelle est considérée comme la norme.
L’idée de la «poursuite» romantique est vieille comme le monde. Que ce soit à la télé, dans les chansons ou dans les films, les allers-retours entre un homme et une femme peuvent, bien entendu, être romantiques. Mais plus la culture populaire diffuse l’idée que les femmes peuvent prendre du plaisir à un rapport forcé, sans leur consentement, plus le viol et les violences sexuelles sont banalisés dans notre société. En France, 21% des personnes interrogées dans une étude de 2016 estimaient que les femmes «peuvent prendre du plaisir à être forcées». Une partie de la lutte contre la culture du viol est de reconnaître l’importance de l’espace personnel et de la prise de décision.