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Un retraité se faisait passer pour un play-boy de 37 ans sur des sites de rencontre : huit ans d’emprisonnement

Jack S., sexagénaire au moment des faits et âgé de 74 ans aujourd’hui, a été reconnu coupable de « viols » et condamné à huit ans d’emprisonnement, vendredi 29 octobre, par la cour criminelle de l’Hérault. Dans la matinée, l’accusation avait requis douze ans de réclusion criminelle.

Il était accusé de « viols par surprise grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique », pour s’être fait passer pour un autre et avoir fait l’amour avec des femmes, à qui il avait demandé de se bander les yeux pour cacher sa véritable identité.

Retour sur les faits
Que reproche-t-on à Jack S., ancien diplômé des Beaux-Arts, trois fois marié, trois fois divorcé, vivotant comme artisan décorateur à Nice et à Monaco ? Au moment des faits, celui-ci écume les sites de rencontre et se crée un avatar, « Anthony Laroche », dont il pioche les photos de son profil dans un catalogue de mannequins pour vêtements Marlboro. Il se décrit comme un « décorateur à Monaco », « galeriste d’art », « photographe », « architecte d’intérieur » de 37 ou 38 ans, amateur de sport.

Face à lui, des centaines de femmes – 342, selon l’enquête – elles aussi inscrites sur des sites de rencontres, âgées de 19 à 50 ans. Elles sont célibataires, divorcées ou tout juste séparées, avec ou sans enfants. Le bel Anthony Laroche les contacte, elles répondent, la conversation s’engage. Pour plus d’intimité, les échanges se poursuivent sur les réseaux sociaux, puis au téléphone. On discute pendant plusieurs jours, souvent plusieurs semaines, on se confie sur sa vie et sur ses désirs, on s’envoie mutuellement par SMS ou WhatsApp des (vraies) photos de parties intimes et des vidéos de masturbation. La plupart des femmes sollicitent un rendez-vous dans un bar ou un restaurant. Leur interlocuteur décline, invente des prétextes pour repousser toujours plus tard l’échéance. D’autres, précautionneuses, souhaitent qu’il allume sa webcam pour continuer à leur parler. Il refuse.

A toutes, Jack S. alias « Anthony Laroche » propose en revanche de concrétiser la rencontre chez lui, dans son appartement de la promenade des Anglais, à Nice. « Le restaurant, c’est trop papa-maman », dit-il. Lui a du rêve à revendre. Ce sera Cinquante nuances de Grey – le best-seller érotique publié en 2012 – pour de vrai, leur fait-il miroiter. Trois cent dix-huit femmes contactées ne donnent pas suite. Vingt-quatre d’entre elles se laissent prendre au jeu de la « rencontre magique » que promettent autant la (vraie) voix veloutée de Jack S. que la (fausse) image du sublime décorateur à Monaco.

Chacune de ces femmes accepte le scénario que Jack S. leur a présenté : venir chez lui, sonner à l’interphone, trouver en arrivant au cinquième étage la porte entrouverte, se laisser guider par sa seule voix jusqu’à la salle de bains, se dévêtir, mettre un bandeau sur les yeux et le rejoindre enfin dans sa chambre.

« J’ai eu l’impression d’arriver chez une grand-mère »
L’appartement est d’une hygiène douteuse, les cendriers sont pleins, la poussière recouvre des meubles anciens, sur le napperon d’une table somnole un chien en faïence. « J’ai eu l’impression d’arriver chez une grand-mère », dira l’une. « Ça sentait la cigarette, le rance, le vieux », dit une autre. Certaines s’arrêtent là et font demi-tour. Les autres passent outre cette première et vague déception et continuent d’obéir à la voix qui leur propose de se servir un verre de vin. Elles se dénudent, se bandent les yeux avec le masque de compagnie aérienne préparé à leur intention, s’avancent jusqu’à la chambre plongée dans la pénombre, se laissent attacher les mains au lit avec une ceinture de peignoir. La consigne est stricte, elles ne doivent pas toucher leur partenaire, sous risque de « punition ».

Le rapport sexuel se passe. La visiteuse retire son bandeau. Et découvre, comme tant d’autres avant elle et après elle, « un vieil homme à la peau fripée et au ventre bedonnant ». La plupart disparaissent et gardent pour elles leur « honte » et le sentiment d’avoir été « dupée », « trahie », « flouée », « salie », « souillée ».

Devant la cour criminelle, les plaignantes ont dit qu’elles ont été trompées. Jack S., lui, s’était défendu en affirmant qu’elles n’ont pas voulu être détrompées.

Extrait du journal Le Monde

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