Ozinzen

Les étonnantes exigences d’un médecin parisien pour s’installer à la campagne

“Je veux une prime de délocalisation et d’installation, un logement de fonction (deux ans), une voiture de fonction, un terrain permettant d’envisager une construction, l’assurance de maintenir mon salaire à 6 770 euros par mois après impôt. Ces conditions remplies, je m’engage avec vous pour dix ans. “

C’est le mail sans ambages d’un médecin de la région parisienne reçu le 28 octobre par David Legouet, 48 ans, maire de Barneville-Carteret (Manche) confronté au manque de praticiens dans sa commune.

De 2 300 habitants en hiver, dont 60 % ont plus de 60 ans, Barneville-Carteret passe à 12 000 durant la saison estivale. « On devrait avoir cinq médecins, mais nous n’en avons que trois depuis de nombreuses années, a expliqué le maire à France Bleu Cotentin. Mais d’ici trois ans, deux des généralistes, un homme de 74 ans et une femme de 68 ans, vont partir en retraite. Et on risque de ne se retrouver qu’avec un seul médecin. »

Surenchère
Dans le département de la Manche, les déserts médicaux ne cessent de gagner du terrain : 45 000 des 490 000 habitants sont privés de médecin traitant. Et parmi eux, 7 500 en affection longue durée qui doivent renouveler leur ordonnance chaque trimestre. Des statistiques livrées par la Caisse primaire d’assurance maladie de la Manche.

Les médecins étant rares, les postulants n’hésitent pas à demander toujours plus : « Avant, les candidats le disaient oralement, mais maintenant ils ne se cachent plus et l’écrivent. On ne peut pas répondre à ce genre de propositions incroyables. J’espère qu’on va continuer ce travail de dénonciation », ajoute David Legouet. Il qualifie de « chantage » le mail du médecin parisien avec lequel il avait auparavant été à deux reprises en contact téléphonique.

Les généralistes sont devenus les rois du pétrole.

Selon le Dr Antoine Leveneur, président de l’Union régionale des médecins libéraux de Normandie, « c’est la loi du marché. Les généralistes sont devenus les rois du pétrole. D’habitude, ce sont les municipalités qui proposent beaucoup d’avantages. On risque de voir ce genre de pratiques se multiplier. » Avec un risque de concurrence entre communes à qui procurera les meilleures conditions matérielles.

Outre la construction d’un pôle de santé ambulatoire, la municipalité de Barneville-Carteret est en recherche active de médecin depuis plusieurs années avec brochures de promotion distribuées dans les facs de médecine de Paris, Rouen et Caen, et publicité (6 000 euros) dans le bulletin trimestriel et sur le site Internet du syndicat des jeunes médecins généralistes. En vain.

Depuis trente ans, les quelques mesures destinées à favoriser l’installation dans les déserts médicaux (prime de 50 000 € à condition de rester cinq ans) se révèlent insuffisantes. Aussi, David Legouet estime que l’heure des mesures contraignantes est venue : « L’État paye les études des médecins, à lui de prendre ses responsabilités. Avec un objectif : plus de zone blanche médicale. »

Ou faudra-t-il, comme le fait le conseil départemental de Saône-et-Loire, recruter des médecins et les rémunérer ?

Extrait du journal lepoint

Quitter la version mobile