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Vaccin anti-Covid : pourquoi les laboratoires français sont en retard ou ont franchement échoué ?

La recherche française a subi deux revers majeurs, deux ratés dans la course mondiale aux vaccins contre le Covid-19.

Le 11 décembre, le géant pharmaceutique français Sanofi et son allié britannique GSK (Glaxo Smith Kline) annonçaient que leurs essais cliniques de phases 1-2 d’un candidat vaccin contre le Covid-19 n’étaient pas à la hauteur de leurs espérances et prendraient donc du retard avec une disponibilité espérée pour la fin 2021.

Le 25 janvier dernier, c’était au tour de l’Institut Pasteur d’annoncer qu’il arrêtait le développement de son principal projet de vaccin, car les premiers essais avaient montré qu’il était moins efficace qu’espéré…

Dans les deux cas, les laboratoires avaient choisi une autre méthode que celle, nouvelle, de l’ARN messager, utilisée par les sociétés de biotechnologie allemande BioNTech (associée au géant Pfizer) et américaine Moderna, dont les vaccins sont déjà homologués, notamment par l’Agence européenne du médicament. Le vaccin de Sanofi-GSK s’appuie sur la technique de la protéine recombinante. Pour fabriquer une réponse immunitaire, celle-ci prévoit d’injecter un morceau du virus, la protéine d’enveloppe, et non pas un virus atténué ou inactivé, comme dans les vaccins traditionnels, dont Sanofi est l’un des plus gros fabricants mondiaux. Cette technologie de protéine recombinée est déjà utilisée contre l’hépatite B et la coqueluche.

Un véritable séisme, politique, mais aussi scientifique

De son côté, l’Institut Pasteur utilisait comme base le vaccin contre la rougeole, adapté pour combattre le Covid-19. Pour le concevoir et le distribuer, l’institut s’était allié au laboratoire pharmaceutique MSD (nom du groupe américain Merck hors des Etats-Unis et du Canada), qui a racheté l’an dernier la société de biotechnologie autrichienne Themis.

Face aux critiques, le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, s’est défendu. “On va avoir quelques mois de retard, mais cela va rester un vaccin qui va arriver en moins de deux ans, ce qui est un record pour des développements de vaccin de ce type-là à protéine recombinante”, a-t-il expliqué sans préjuger de ce qu’il adviendra réellement de ce vaccin si tardif. Sanofi et GSK avaient en effet passé plusieurs contrats de livraison, dont l’un avec l’Union européenne, qui lui a réservé 300 millions de doses de vaccins pour 2021. Le contrat sera-t-il toujours valable s’il n’est pas en mesure d’être honoré en temps et en heure…

Le DG du laboratoire français – dont les vaccins représentent seulement 16 % du chiffre d’affaires et 18 % des bénéfices – a également assuré que “Sanofi investit en France 2 milliards par an dans la R & D (recherche et développement)” et flèche ses investissements notamment vers la cancérologie. Il a également annoncé, mis sous la pression du gouvernement, que son usine de Francfort allait être mise à disposition pour apporter un coup de pouce à son concurrent Pfizer-BioNtech, qui peine à tenir le calendrier de livraison établi avec l’Union européenne. L’usine Sanofi pourrait ainsi produire 100 millions de doses de son concurrent. Comme un sous-traitant en quelque sorte…

Pasteur aussi a précisé qu’il poursuivait ses travaux sur d’autres projets de vaccin contre le Covid, à un stade toutefois préliminaire. “Le premier, administrable par voie nasale, est développé avec la société de biotechnologie TheraVectys, issue de l’Institut Pasteur et spécialisée dans la mise au point de vaccins. Le second est un candidat vaccin à ADN”, a assuré l’institut.

Reste que ces ratés français dans la recherche pharmaceutique pour trouver un vaccin contre le Covid-19, alors même que cette quête revêt une forte dimension géopolitique, ont provoqué un véritable séisme, politique, mais aussi scientifique. Les choix opérés par Sanofi et Pasteur mettent en lumière une R & D française qui n’est plus au meilleur niveau mondial. La part du PIB qui lui est consacré est trop faible (3,02 % en Allemagne, 2,25 % en France). Ainsi quand les crédits publics augmentaient de 33 % entre 2011 et 2018 en Allemagne (à 31,5 milliards d’euros) en France, ils baissaient de 17 % (à 13,9 milliards)…

Autre point noir, la rémunération des chercheurs : le salaire moyen d’un chercheur français en début de carrière s’établissait en 2018 à seulement 63 % du salaire moyen des pays de l’OCDE… Pas étonnant dès lors que nos chercheurs préfèrent aller travailler dans des laboratoires étrangers qui non seulement les rémunèrent mieux mais disposent parfois de matériels plus performants. Troisième écueil : l’absence de collaborations fructueuses entre la recherche fondamentale dans les universités (ou les grands laboratoires) et des start-up de biotechnologie (les biothech). Pfizer s’est allié avec BioNTech par exemple…


Des recommandations pour tenter de remédier au retard français

Quatrième problème, celui des effectifs de R & D des entreprises pharmaceutiques en France, qui ont baissé, passant de 23 586 scientifiques en 2007 à 17 504 en 2018 et ce malgré le crédit d’impôt recherche (CIR, 6 milliards d’euros par an). Sanofi, obsédée par ses dividendes, vient d’ailleurs d’en apporter un édifiant exemple : alors qu’elle reçoit 130 M€ par an au titre du CIR, la société vient d’annoncer la suppression de 364 postes en R & D…

Enfin la nouvelle et très controversée loi de programmation pluriannuelle de la recherche, qui vient d’être adoptée, ne devrait guère améliorer les choses puisqu’elle entérine la diminution des financements pérennes des laboratoires de recherche au profit de financements sur projets (projets à débouchés potentiels à court terme…).

Face à ce retard français illustré par les ratés sur les vaccins anti-Covid, le Conseil d’analyse économique (CAE) émet huit recommandations pour tenter d’y remédier en balayant toutes les étapes de l’innovation, de la recherche fondamentale au développement puis à la commercialisation des produits.

“Réduire la complexité du mille-feuille administratif, rapprocher le monde de la recherche fondamentale et ceux de la recherche appliquée et de la recherche clinique, mieux exploiter les données pour tenir compte de la valeur des traitements dans la gestion économique des produits pourrait constituer un socle de mesures favorables à l’innovation dans ce secteur important.” Il y a urgence…

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