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Accros aux extensions de cheveux : des Africaines dépensent des centaines d’euros par mois pour leur coiffure

C’est le seul produit humain qui s’achète partout dans le monde : le cheveu.

De nombreux vendeurs de cheveux sont des exploiteurs de la misère humaine qui poussent des femmes pauvres à se faire tondre pour un faible prix, alors que le prix final de méches de cheveux humains en magasin est d’environ 100 euros.

En Afrique, pouvoir s’offrir des extensions en vrais cheveux est une marque de statut social. Les femmes pauvres n’ont pas les moyens de se les offrir et elles optent souvent pour une coupe courte de quelques centimètres. Entretenir des cheveux crépus est difficile car ils sont fragiles et ont tendance à former des boules peu esthétiques.

Extrait de JeuneAfrique :

Il est le seul produit humain commercialisable dans le monde. Le cheveu, qu’il vienne d’Inde ou de Chine, traverse les frontières depuis des décennies pour finir sur la tête d’adeptes de coiffes en tout genre.

«Tu veux te coiffer ? » À la sortie de la bouche de métro parisienne Strasbourg-Saint-Denis, les rabatteurs des salons de coiffure sont à pied d’œuvre. Pour une fois, on ne leur lancera pas un « non » catégorique, mais on leur emboîtera le pas vers le métro Château-d’Eau. Se coiffer n’est pas à l’ordre du jour : si nous sommes en route, c’est pour percer le secret de la provenance des extensions capillaires humaines.

Très vite, on pousse la porte de la boutique d’un certain M. Baradji. Les bottes de cheveux raides, bruns ou blonds, exposées sur la devanture, sont de toutes les longueurs. Mèches « brésiliennes », « indiennes », « cambodgiennes », « malaisiennes » et même « péruviennes », lit-on. Devant le comptoir, des billets jaillissent. Les clientes aux tissages impeccables semblent pressées de renflouer leur stock personnel.

C’est le cas de Tiguida, une jeune femme d’une vingtaine d’années qui, pour un mariage, voudrait s’offrir des mèches brésiliennes. « J’en veux des blondes pour changer de style, elles passent bien avec ma peau claire. Après le mariage, je repasserai au brun pour le travail. C’est plus discret », glisse-t-elle en froissant deux billets de 100 euros qu’elle s’apprête à remettre à M. Baradji. Visiblement, elle n’est pas là pour s’offrir de la camelote.

En quelques phrases, le gérant nous a plus ou moins indiqué la toute première étape de l’itinéraire commercial du cheveu humain, entre l’Inde et la Chine.

En Inde, depuis des siècles, des millions de fidèles hindous rasent leur chevelure, en guise de sacrifice aux dieux Shiva, Muragan ou Vishnu. En échange, ils espèrent obtenir une vie meilleure ou alors un miracle.

Si, traditionnellement, ces cheveux étaient brûlés, ils sont désormais collectés puis généralement vendus aux enchères afin d’alimenter une industrie qui pèse aujourd’hui de 10 à 15 milliards de dollars (8,5 à 12,8 milliards d’euros). C’est du moins le chiffre qu’avance George Benjamin Cherian, directeur général de Raj Hair International, l’une des nombreuses sociétés indiennes qui s’occupent de collecter les cheveux des temples. Cette société exporte depuis trente-neuf ans dans 56 pays, principalement aux États-Unis et en Europe.

« Le cheveu humain provient de toute l’Inde. Mais il y a deux types de cheveu. D’abord le cheveu “remy”, collecté dans quatre États du sud du pays : Tamil Nadu, Andhra Pradesh, Telangana et Karnataka. Et il y a le “non-remy”, soit le “cheveu de brossage”, que l’on trouve dans tout le pays », indique George Benjamin Cherian avant d’ajouter que l’industrie du cheveu humain existe depuis le début des années 1940.

Le plus grand temple fournissant l’industrie du cheveu humain est celui de Tirupati, lieu de pèlerinage situé dans l’État d’Andhra Pradesh. Entre 2011 et 2016, ce temple a amassé la somme de 97 millions de dollars grâce aux ventes de cheveux. Au cours de ces enchères, où les cheveux sont fourrés dans des sacs de jute, le prix varie entre 200 et 400 euros le kilo environ. Mais, d’une année à l’autre, le tarif peut varier de 15 %.

Les cheveux « remy », ou estampillés Remy Hair, sont un gage de qualité pour les acheteurs au cours des ventes. Vierges et naturels, ils proviennent d’une seule et même personne, n’ont subi aucun traitement chimique et sont conservés dans le même sens pour éviter qu’ils ne s’emmêlent. Dans le cas contraire, on parle de « cheveu de brossage », plus difficilement utilisable. C’est ce type de cheveux que se procure la Chine pour ensuite le travailler, chimiquement, dans ses usines.

Si l’Inde reste le leader du commerce de cheveux humains, les Chinois sont désormais passés leaders dans l’industrie de produits finis (perruques, postiches, tissages)… à la suite d’âpres négociations.

Au cours des années 2000, le pays a en effet fait pression sur l’État indien afin que les ventes aux enchères soient ouvertes aux étrangers. Et c’est aujourd’hui dans la République populaire que se trouve l’un des centres névralgiques de traitement du cheveu : la ville de Xuchang, véritable capitale du produit à base de cheveux humains. Cette mégalopole de 4,3 millions d’habitants abrite le leader mondial de la perruque et des extensions, le conglomérat Rebecca, fondé en 1999.

La Chine a depuis quelques années commencé à collecter du cheveu humain sur son propre sol, mais aussi dans les pays voisins : le Vietnam, le Laos, le Myanmar et l’Indonésie. « Le cheveu que les Chinois exportent va être de qualité moindre dans la mesure où ils ajoutent de la matière synthétique et même des poils d’animaux, comme le yak, à leurs produits », indique M. Baradji, qui affirme se fournir auprès de Chinois et de Coréens.

Mais qu’en est-il des cheveux brésiliens, malaisiens, péruviens, cambodgiens ? « Ce sont des termes marketing créés par les Chinois pour des produits qui ont en fait les mêmes origines. On peut vendre exactement le même type de mèches avec des noms différents », confie-t-il. Il y a tout de même des subtilités. La botte de cheveu indien, lisse et naturelle, diffère de la botte brésilienne, dont certaines des fibres sont transparentes.

Un peu plus loin, on trouve une autre boutique tenue par un Chinois depuis quatre ans. Ce grossiste, qui préfère garder l’anonymat, affirme travailler avec des usines chinoises de différentes villes : Qingdao, Shenzhen et, bien entendu, Xuchang. Ses points de vente : Dubaï, les États-Unis et la France.

L’émission Made in Africa, de la chaîne ivoirienne RTI, consacrait récemment un reportage à « La folie du business du cheveu » en Côte d’Ivoire. On y suivait une cliente qui achetait une nouvelle perruque en cheveux humains toutes les deux semaines, soit un budget de 500 000 F CFA (760 euros) par mois.

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