Pour calculer le pourcentage de sujets immunisés nécessaire pour obtenir l’immunité collective, il existe une formule simple : Immunité collective = 1 – 1/R0.
Prononcé « R zéro », le R0, ou nombre de reproduction de base, indique le nombre moyen de nouveaux cas d’une maladie qu’une seule personne infectée et contagieuse va générer en moyenne dans une population sans aucune immunité (on appelle les gens sans immunité des personnes susceptibles).
Un R0 égal à 2 signifie que pour une personne infectée par un virus, cette personne aurait infecté en moyenne 2 nouvelles personnes. Et ainsi de suite le virus se transmet de plus en plus.
Dans cet exemple fictif, pour stopper la propagation de ce virus (un virus qui a un R0 de 2 comme la grippe saisonnière), il faut 50 % de personnes immunisées.
Concernant le covid-19, l’arrivée du variant Delta, aujourd’hui majoritaire et dominant, a changé la donne par sa contagiosité et sa virulence accrues.
Claude-Alexandre Gustave, biologiste médical, ancien assistant hospitalo-universitaire en microbiologie et ancien assistant spécialiste en immunologie a fait les calculs : « Le variant Delta a un R0 de 8. Pour atteindre l’immunité collective, il faudrait vacciner 92 % de la population avec un hypothétique vaccin efficace à 97 % contre la transmission. »
Mais les vaccins contre le Covid-19 ne réduisent la contagiosité du Delta que de 6 à 8 fois. De plus, cette formule ne prend pas en compte la diminution de l’immunité dans le temps, l’émergence de nouveaux variants ou encore le fait que les enfants ne sont pas vaccinés pour le moment.
« Autant dire qu’atteindre l’immunité collective est mathématiquement impossible », affirme Claude-Alexandre Gustave.
La vaccination seule est insuffisante
Affirmer aujourd’hui que l’immunité collective par la seule vaccination est un objectif inatteignable est politiquement difficile : cela force à revoir toute la communication qui a été faite autour des vaccins comme moyen de vivre « comme avant ».
De plus, cette assertion pourrait être perçue par certaines personnes comme une remise en question de l’efficacité de la vaccination. Cette lecture serait erronée. En effet, si la situation a changé et que la vaccination en elle-même ne suffit plus, elle reste efficace pour ralentir la propagation du virus.
« La vaccination permet de diminuer la pression hospitalière», explique Éric Billy, chercheur en immuno-oncologie à Strasbourg, membre fondateur du collectif Du côté de la science. « Se faisant, elle permet de manière indirecte d’éviter des déprogrammations de soins et de pouvoir continuer à prendre en charge le plus grand nombre. Ainsi, elle permet également d’éviter de nouveaux reconfinements avec les conséquences économiques et sociales que l’on connait », précise-t-il.
Et d’insister : « Sans les vaccins, la situation sanitaire serait aujourd’hui absolument dramatique. »
La vaccination diminue par ailleurs la transmission car elle réduit le volume et le temps d’excrétion virale des personnes contaminées. En ce sens, elle protège les autres. Imparfaitement cependant.
« Avec une large couverture vaccinale, on pourra mettre en place des adaptations peu contraignantes et peu liberticides», précise Claude-Alexandre Gustave. Pour Éric Billy, la vaccination reste une des tranches essentielles dans le modèle emmental. Parmi les autres couches de protection, les deux experts insistent sur :
- le port du masque en lieu clos — que l’on soit vacciné ou non
- l’aération/ventilation de ces lieux clos
- l’équipement des restaurants et bars de ventilations mécaniques contrôlées (VMC) avec extracteur
- les tests virologiques
- l’isolement des personnes contaminées
- le contact tracing
« Il faut avoir une communication globale et exposer les bénéfices et les limites de chacune des mesures », explique le chercheur en immuno-oncologie Éric Billy.
Le retour à une vie « normale » n’est pas pour tout de suite, note Claude-Alexandre Gustave.