Un témoignage de Perri Chase
Par où commencer. C’est un sujet tellement compliqué que je me suis dit : “Ne t’en mêle pas. Continue à vivre ta vie. Tu es mariée. Tu es enceinte. Tu n’es même plus une entrepreneuse – pourquoi poster ça ?”
Mais la dernière semaine a vraiment été un déclencheur pour moi, et j’ai besoin d’écrire ceci pour moi et pour toute autre personne pouvant ressentir la même chose.
Tout d’abord, permettez-moi de dire que la plupart des gens me considèrent comme une personne ayant des opinions tranchées, franche et à la tête dure. Une partie de ce que je partagerai dans cet article est presque paralysant à écrire, sans parler de le poster sur internet, surtout quand mes articles de blog sans langue de bois ont tendance à devenir viraux. Certains de mes propos peuvent aussi être impopulaires ou difficiles à entendre.
Je tiens à dire à quiconque qui lit ces lignes que je n’ai pas beaucoup d’endurance émotionnelle en ce moment, alors soyez gentils et compatissants lorsque vous répondez.
Quand vous entendez des histoires de femmes qui disent avoir rencontré des investisseurs dans des bars d’hôtels et tard dans la nuit, je vais vous dire ce qui se passe.
En 2011, j’ai cofondé unroll.me à New York. Après avoir lancé la société, j’ai décidé de m’installer dans la Silicon Valley en solo pour travailler sur la startup qui était ma vraie passion, Archively. A l’époque, je n’avais presque aucune connexion sur place, et je n’avais aucune idée de ce que je faisais.
J’avais commencé unroll.me avec des cofondateurs qui avaient obtenu le financement, donc commencer quelque chose tout seule était une expérience très différente. Je m’étais liée d’amitié avec le fondateur d’une startup qui croyait vraiment en ma vision, et il m’avait dit d’aller chercher des fonds. Il était convaincu qu’avec de bonnes présentations, je pourrais amasser 2 millions de dollars. Comme je n’avais aucune idée de ce que je faisais, je l’ai suivi.
Il m’a donné des livres à lire et m’a aidé à pratiquer mon discours de présentation.
Je tiens à dire ceci : les investisseurs potentiels m’ont tous rencontrée sur sa recommandation. Ils étaient tous incroyablement respectueux et sincèrement engagés au sujet de ce que j’envisageais.
Je n’ai jamais ressenti de condescendance. Et il n’y a certainement rien qui n’a été dit ou fait de façon inappropriée. Hélas, je n’ai pas réuni mes 2 millions de dollars. En y repensant, je suis un peu gênée d’avoir eu ces réunions, mais ce que j’ai appris au cours de ces dernières années, c’est que ces réunions sont incroyablement difficiles à obtenir. J’ai eu de la chance, d’une certaine façon.
Donc, après que je n’ai pas recueilli cet argent via ces contacts, j’ai dû trouver comment l’obtenir par moi-même. Je n’étais vraiment pas au point et je n’ai pas avancé pendant pendant un an. J’ai essayé de réseauter et de comprendre comment j’allais collecter de l’argent – si je le pouvais – tout en essayant de construire quelque chose en tant que fondatrice non technique.
Ayant passé plus d’une décennie comme chasseuse de têtes à Wall Street, je me considère comme une réseauteuse professionnelle, et j’ai trouvé le réseautage dans la Silicon Valley très difficile. Il n’y a pas de lieu central pour rencontrer des gens. C’est insaisissable. Tout fonctionne dans l’ombre. Vous comptez sur des amis fondateurs d’entreprise et des soirées cocktails, qui peuvent être tout aussi insaisissables, surtout pour avoir accès à des investisseurs et à des personnes utiles.
Ainsi, lorsque j’ai rencontré un investisseur bien connu par l’intermédiaire d’un ami dans un restaurant un soir, j’étais super excitée par cette rencontre décontractée et chaleureuse. Nous avons échangé nos numéros et des textos en essayant de faire des plans pour nous rencontrer et boire un verre. J’ai passé ma vingtaine dans des bars en recrutant des traders, de sorte que le “bar business” n’était pas nouveau ou intimidant pour moi.
J’ai fini par le rencontrer à 22 h un soir. Lorsque vous entendez des histoires de femmes qui disent avoir rencontré des investisseurs dans des bars d’hôtel et tard dans la nuit, voilà pourquoi. Il est si difficile d’obtenir des réunions et de recueillir des fonds que l’on est prêt à se rencontrer n’importe où et n’importe quand pour obtenir de l’attention d’investisseur.
Mais c’est ici que je dois être vraiment honnête avec vous et moi-même au sujet de ce qui s’est passé.
Il n’y avait pas de “Ouais, viens me présenter. Je m’intéresse à ta start-up.” J’ai inventé ça dans ma tête.
J’avais un programme, mais ce n’était pas un programme commun. C’est moi qui ai décidé que c’était une réunion d’affaires. A ce stade, je n’avais pas encore récolté d’argent, mais j’avais un prototype, et je me sentais plus confiante dans le lancement. Utiliser la féminité pour attirer l’attention des hommes en affaires n’était pas nouveau pour moi, et je n’avais aucune honte à l’utiliser. Peu de temps après s’être assis, il est devenu assez évident qu’il me rencontrait avant tout en tant que femme qui, par hasard, avait aussi une entreprise.
J’ai quand même essayé de parler affaires, mais ce n’était pas une conversation suivie, et d’autres boissons ont été servies. Puis il a dit : “Je te ramène chez moi ce soir.”
Je crois que j’ai ri et que j’ai dit : “Ah, vraiment ?”.
Mais après quelques verres de plus, j’ai fait un choix. J’ai dit un OK, mais je l’ai suivi d’un éclaircissement : “Mais alors tu ne pourras jamais investir dans ma société.”
Je ne pense pas qu’il s’en souciait vraiment.
Culturellement, on nous enseigne, en tant que femmes, que notre pouvoir principal est notre apparence et notre sexualité.
Quand j’ai commencé ma carrière de chasseuse de têtes il y a plus de dix ans, j’avais l’habitude de les emmener boire un verre. C’est ainsi que j’ai fait mon travail. Je n’étais ni naïve ni innocente. Ce n’était certainement pas la première fois qu’un type me drague.
Au début de ma carrière, les gars me disaient : “Tu avais une voix tellement incroyable au téléphone que j’ai dû te rencontrer pour voir si tu étais sexy.
Merveilleux. Roulement des yeux. Puis, sans perdre un instant, je sortais un morceau de papier et je leur demandais d’écrire le nom de tous ceux avec qui ils travaillaient, la composition de toutes les équipes et tous les autres choses intéressantes sur lesquelles je pouvais mettre la main.
Vous voyez ? Même à l’époque, je connaissais déjà le fonctionnement du business au féminin.
J’ai compris que laisser un homme me désirer était le prix d’entrée dans le business.
Je savais qu’être sexy m’a permis d’entrer dans le secteur et qu’après ça, je devais faire en sorte que ça marche pour moi. Culturellement, on nous enseigne, en tant que femmes, que notre pouvoir principal est notre apparence et notre sexualité. Alors c’est une question de ce que vous en faites. Personnellement, j’ai utilisé énormément cela, et j’ai eu plus de succès que mes collègues masculins grâce à la séduction.
Cependant, je ne voulais pas franchir une ligne physique pour les hommes avec qui je faisais activement des affaires, et j’ai bien gardé cette limite. Et puis, au fur et à mesure que je m’établissais, les hommes ne me rencontraient pas pour ma voix sexy ou pour ce que je pourrais porter. Ils m’ont rencontré parce qu’ils connaissaient mon nom et parce que je savais des choses qu’ils voulaient savoir.
Les réunions sont devenues plus professionnelles et je n’avais plus à jouer la carte de la féminité.
Je ne vais pas nommer cet investisseur parce que ce qui s’est passé entre nous était consensuel. Pourtant dans tout ce qui a émergé cette semaine, je me suis rendu compte que je lui ai donné la permission d’agir de cette façon. Le fait que je couche avec lui fait partie du problème.
Bien sûr, c’était social, c’était consensuel, mais il était, après tout, un investisseur, et j’étais une entrepreneuse. Comme d’autres l’ont souligné, cela fait partie de l’environnement professionnel. Je n’ai été blessée en aucune façon, mais en regardant son comportement cette nuit-là, je pouvais voir une situation où quelqu’un qui n’était pas aussi clair que moi aurait vraiment pu être manipulé ou pire. J’imagine aussi que je n’étais pas la seule.
Si j’avais dit non et quitté le bar offensée et consternée, j’aurais pu facilement oublier comment j’avais créé une réunion d’affaires dans ma tête, mais qui n’avait jamais existé pour l’autre personne.
J’aurais pu l’accuser de comportement inapproprié, en utilisant des SMS pour le prouver. Mais je dois aussi assumer ma part de responsabilité. Il ne m’a jamais dit que c’était une réunion professionnelle. C’était mon programme, et il est clair qu’il ne l’a pas partagé. Alors qui suis-je pour me plaindre ?
C’est compliqué. Parce que dans un système où la socialisation et les cocktails sont un grand moyen de rencontrer ou d’apprendre à connaître les investisseurs, il n’y a pas de lignes claires sur ce qui est personnel et ce qui est professionnel. Je pense que la clarification de cette question doit devenir une grande priorité pour les hommes et les femmes. De vraies paroles. Je ne suis pas non plus la première ou la seule femme à avoir utilisé le fait d’être une femme pour passer du temps avec un homme de pouvoir. C’est là que nous, en tant que femmes, devons aussi assumer davantage de responsabilités.
Je disais à un ami au sujet des histoires qui sortent dans les journaux que ce ne sont même pas les pires. Les hommes ne se comporteraient pas de cette façon si ça ne marchait pas. Ils se comportent de cette façon parce que cela fonctionne. Et d’une certaine façon, j’avoue faire partie de la continuation de cette culture en envoyant le message que c’était OK et non un “big deal”.