Des chercheurs ont étudié les résultats des candidats aux concours d’entrée de l’École normale supérieure afin de savoir s’il existe une discrimination entre les hommes et les femmes dans les sciences dures.
Pour cela il suffit de comparer les résultats entre les épreuves écrites anonymes et les épreuves orales. La conclusion de l’étude montre que les femmes sont favorisées par les examinateurs dans les filières où elles sont minoritaires, comme les mathématiques. Statistiquement les examinateurs gonflent les notes des femmes par rapport aux candidats masculins, afin de favoriser les femmes dans ce concours qui déterminera l’avenir professionnel de ces jeunes étudiants.
L’École normale supérieure, appelée aussi « « Ulm », ou « Normale Sup’ », est l’une des écoles les plus prestigieuses et les plus sélectives de France, spécialisée en lettres et en sciences.
Extrait de cette étude (Thomas Breda & Son Thierry Ly – référence IPP 15) :
La discrimination s’exerce au bénéfice des filles dans les disciplines traditionnellement dominées par les hommes (mathématiques ou philosophie, par exemple), alors qu’elle joue en faveur des garçons dans les matières réputées plus «féminines » (biologie ou littérature), réduisant ainsi légèrement la ségrégation de genre entre disciplines. La tendance des examinateurs à discriminer les candidats en fonction de leur sexe est identifiée à partir des différences entre les résultats aux épreuves écrites anonymes (qui neutralisent la discrimination de genre) et aux épreuves orales (où le sexe des candidats est connu des examinateurs). Cette discrimination va à l’encontre des stéréotypes de genre. Elle est susceptible de s’expliquer par le fait que les examinateurs tentent d’aider – consciemment ou inconsciemment – le sexe en minorité dans leur discipline. Ces résultats suggèrent que les filles peuvent s’engager dans les filières d’études traditionnellement réservées aux hommes sans craindre d’y être discriminées.
En France, comme dans la plupart des pays développés, l’essentiel des inégalités éducatives entre les sexes ont disparu, voire se sont inversées au profit des filles. Les filles obtiennent en moyenne de meilleurs résultats que les garçons aux évaluations scolaires nationales, étudient plus longtemps et sont davantage diplômées du supérieur. Sur le marché du travail, elles sont devenues majoritaires dans des professions prestigieuses traditionnellement dominées par les hommes, telles que le droit ou la médecine. Une différence importante demeure cependant : les filles restent massivement sous-représentées dans les sciences dures.
En France, seulement 15 % des chercheurs à l’université en mathématiques sont des femmes. Aux Etats-Unis, elles ne constituent que 25 % des effectifs des professions scientifiques, de l’ingénierie, de l’informatique ou des mathématiques (National Science Foundation, 2006). Le fait que les hommes restent largement majoritaires dans ces métiers constitue ainsi l’une des distinctions les plus persistantes entre emploi féminin et masculin.
La ségrégation de genre qui s’opère entre filières scientifiques et littéraires explique en effet une part substantielle des écarts de salaires entre hommes et femmes.
Ce problème est accentué en France par l’importance donnée à l’excellence mathématique, et par le système élitiste des classes préparatoires aux Grandes écoles. La quasi-absence de filles dans les classes préparatoires de mathématiques, physique ou sciences de l’ingénieur, où elles représentent environ 15 % des effectifs, apparaît donc comme un fort déterminant potentiel des écarts de salaires entre les hommes et les femmes, et en particulier du « plafond de verre » observé en France : la sous-représentation des femmes dans les postes à responsabilité tient en partie à leur présence seulement marginale dans les filières menant à ces postes.
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Une méthodologie originale : exploiter le concours de Normal’Sup
L’étude sur laquelle s’appuie cette note contribue au débat sur les causes possibles de la sous-représentation des femmes en sciences en s’intéressant au rôle joué par les examinateurs du concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Paris. Plus précisément, il s’agit de mesurer si ces examinateurs discriminent davantage les candidates dans les matières les plus scientifiques, et plus généralement dans les matières traditionnellement dominées par les hommes dans le champ universitaire.
La méthode utilisée : comparer les résultats à l’écrit et à l’oral.
Nous exploitons un aspect particulier du concours pour identifier la tendance des examinateurs à discriminer les candidats en fonction de leur sexe : les épreuves écrites sont anonymes (ce qui neutralise la discrimination de genre) alors que les oraux ne le sont pas1
Le premier exercice consiste à examiner si le passage de l’écrit à l’oral avantage plutôt les filles ou les garçons dans les différentes épreuves. Il ne permet d’isoler un effet « pur » de discrimination que si l’on suppose qu’il n’existe pas de différences systématiques de compétences entre les filles et les garçons lors du passage de l’écrit à l’oral.
Résultats de l’étude
Les résultats montrent que la discrimination va à l’encontre des stéréotypes : plus une matière est connotée comme « masculine », plus l’écart entre les notes à l’oral et à l’écrit tourne à l’avantage des filles. En mathématiques et en physique, par exemple, l’oral permet aux filles de dépasser 10 % du nombre total de candidats. Cela revient à dire que l’oral permet aux filles de gagner 10 places sur 100 candidats. De façon intéressante, les effets sont symétriques : les garçons sont avantagés dans les mêmes proportions à l’oral dans les matières réputées féminines telles que les langues étrangères ou la littérature.
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Assez logiquement, les jurys des disciplines les plus dominées par les hommes sont beaucoup plus souvent composés d’hommes que de femmes. Le bonus à l’oral pour les candidates dans les matières les plus masculines pourrait donc refléter le fait que sont des hommes qui les évaluent. En exploitant les variations de la composition du jury d’une année à l’autre, il est possible d’identifier séparément les discriminations provenant du caractère plus ou moins masculin des différentes matières, et celles provenant d’un lien éventuel entre le sexe du candidat et celui de son évaluateur.
Les résultats montrent que c’est bien le caractère plus ou moins féminisé des différentes disciplines, et non le sexe des évaluateurs, qui explique les variations de classement des filles entre l’écrit et l’oral d’une matière à l’autre.
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Une discrimination qui reflète une préférence pour le sexe en minorité dans la discipline ?
Même s’il est difficile de conclure tout à fait, nous pensons que nos résultats reflètent une préférence des examinateurs pour le sexe en minorité dans leur discipline.
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Les recherches récentes de Camille Terrier révèlent qu‘un phénomène similaire de biais de notation en faveur des filles en mathématiques s’observe parmi les élèves de sixième de l’académie de Créteil.