Extrait d’un témoignage anonyme publié sur le site madmoiZelle.
5 ans après avoir été victime d’agression sexuelle sans vraiment le conscientiser, cette madmoiZelle de 24 ans a matché son agresseur sur une application de rencontre. Elle décortique ses ressentis et les mécanismes qui l’ont poussée à vouloir renouer avec cet homme :
Ah le confinement ! Ce moment si particulier où l’ennui nous fait prendre de grandes décisions pour occuper nos journées.
Un après-midi, alors, que j’avais fait le tour de toutes les activités possibles et inimaginables pour me distraire, j’ai eu la brillante idée de réinstaller une application de rencontres.
Je ne sais pas si c’est l’ennui ou la volonté de rassurer mon ego qui m’a poussée à sauter le pas… en tout cas, j’ai commencé à swiper compulsivement.
Tandis que je lisais des bios plus fades les unes que les autres, que je regardais attentivement les photos des utilisateurs et décidais si cette personne était susceptible de m’intéresser, un profil m’a interpellée.
Je l’ai tout de suite reconnu. J’ai reconnu sa photo en noir en blanc, la longue mèche qui couvrait son visage et la cigarette roulée qu’il tenait négligemment à la bouche.
En l’espace d’un instant, cette fameuse soirée m’est revenue en tête.
Le jour où j’ai été agressée sexuellement par un mec qui me plaisait
Pour comprendre, il faut revenir cinq ans en arrière.
J’avais à l’époque 19 ans, c’était l’été, il faisait chaud et j’écumais les soirées du jeudi au dimanche, sans beaucoup dormir, l’esprit imbibé d’alcool.
J’étais sortie avec des amis et j’avais rencontré ce garçon.
Au détour d’une danse, nos regards s’étaient croisés et je m’étais sentie immédiatement en confiance alors qu’il m’avait enlacée de ses larges épaules.
On avait beaucoup discuté de tout et de rien, jusqu’à ce qu’il me propose de quitter la soirée. J’étais littéralement sous le charme.
À cette époque, j’étais un véritable cœur d’artichaut : à chaque fois qu’un garçon à peu près potable m’accordait de l’attention, j’étais la plus heureuse du monde !
Nous avons quitté la soirée et nous sommes posés sur un banc au milieu des rues désertes de la ville. Après avoir fini notre cigarette, il a plongé ses yeux directement dans les miens et m’a embrassée langoureusement.
À ce moment-là, je ne pouvais que me délecter de cet instant. Puis il s’est levé, je me suis levée aussi, continuant à nous embrasser vigoureusement.
Soudain sa voix si douce a changé brutalement et il m’a dit, presque comme un ordre :
« Tourne-toi. »
Je me suis exécutée. C’est à cet instant que les choses ont dérapé. Sans me demander mon avis, il a passé sa main dans mes sous-vêtements.
Sur le moment, je n’ai pas su comment réagir. Oui il me plaisait, mais je n’avais pas vraiment envie d’entreprendre des rapports de ce genre avec lui, à six heures du matin dans un lieu public.
Je n’avais même pas envisagé de m’engager dans une quelconque activité sexuelle avec lui.
Alors je n’ai pas réagi, j’ai attendu que ça passe, je me souviens avoir fait un commentaire sur la vue pour casser le malaise que je ressentais, une fois qu’il eut fini.
Le reste de la matinée se passa relativement normalement, on a continué à discuté, à s’embrasser et à s’enlacer dans la rue. Il m’a raccompagnée au métro, en me faisant un bisou sur la joue en guise d’au revoir.
Après ça, je n’ai plus jamais entendu parler de lui. J’étais déçue, j’envisageais naïvement que cette rencontre était le début d’une relation plus suivie. Je voulais le revoir.
Mais je ne me sentais pas forcément bien, dans mon esprit cette soirée avait eu un goût étrange. Ce n’était pas lié au fait qu’il n’avait pas envie de me revoir : c’était surtout le passage du banc public qui m’avait marquée.
Pourtant au moment où j’ai vu son profil apparaître sur mon téléphone 5 ans plus tard, mon esprit a étrangement occulté cette partie-là de notre rencontre et je lui ai donné un like, en me disant qu’on avait quand même passé un bon moment et que ce serait cool de lui reparler.
J’avais envie de croire que mon agresseur avait changé.
Après une quinzaine de minutes, j’ai donc réouvert l’application et j’ai constaté qu’on avait matché. J’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai demandé :
« On s’est déjà croisés, non ? »
Après lui avoir parlé de la soirée, il s’est souvenu de moi et il a répondu qu’il avait passé un bon moment. Il se souvenait qu’ « on n’arrêtait pas de se pécho et qu’on avait tous les deux eu très envie de coucher ensemble ».
En lisant son message, je suis restée muette. Je n’avais pas gardé le même souvenir, je n’avais jamais eu envie de coucher avec lui.
Je me suis souvenue du passage du banc.
À l’époque je n’avais pas le recul nécessaire pour mettre des mots sur ce qui s’était passé. Je n’ai même pas envisagé de qualifier ce qui s’était passé d’ « agression sexuelle », encore moins de porter plainte.
En fait jusqu’à très récemment je n’avais pas réalisé ce que j’avais vécu, mais à force de m’informer sur le féminisme et de lire des témoignages, j’ai compris que nul n’a le droit de me toucher sans me demander mon avis.
Et même si j’estime être chanceuse et ne pas avoir eu trop de répercussions négatives suite à cet événement, directement après coup, je me souviens m’être sentie très mal et honteuse.
Honteuse parce que je n’ai pas su mettre des limites, j’ai laissé un inconnu disposer de mon corps comme il le souhaitait, comme si je n’étais plus maîtresse de moi-même.
Malgré cette prise de conscience tardive, j’ai décidé de passer outre, étonnement j’étais encore sous son charme.
Il était drôle, charmant, il s’intéressait au « féminisme intersectionnel matérialiste » et il avait de la répartie. À ce moment-là, malgré ma prise de conscience sur ce qui était arrivé, je n’étais pas énervée contre lui.
J’avais décidé de ne pas mettre le sujet sur la table dans un premier temps. Même si j’étais consciente que ce qui c’était passé n’était pas de ma faute, je n’arrivais pas en lui en vouloir, je m’en voulais plus à moi-même.
Après tout pourquoi je ne lui ai pas dit tout simplement « non » ?
Le mec montrait une image parfaite de lui. Le fait qu’il s’intéresse au féminisme m’a persuadée qu’il avait changé et qu’il méritait une deuxième chance.
J’avais beaucoup évolué depuis cette époque, pourquoi pas lui ? Il avait dû prendre conscience d’un certain nombre de choses et j’avais envie de croire sincèrement qu’il méritait une seconde chance.
J’avais envie de croire qu’il avait changé.
Mais le lendemain, j’ai craqué : je lui ai demandé ce qui avait bien pu lui faire penser que j’avais eu envie de coucher avec lui cette nuit-là.
Toujours dans cette logique de me dire qu’au final c’était moi la coupable, que j’avais envoyé les mauvais signaux et que je n’avais pas réussi à dire non.
Il m’a répondu que c’était flou et qu’entre temps il avait flirté avec tellement de filles… Dans ses souvenirs, notre rencontre s’était limitée à des bisous.
— J’ai forcé ? C’est allé plus loin ?
— Oui, c’est allé plus loin.
Il s’est excusé mille fois, je lui ai dit que ce n’était pas si grave, qu’on pouvait continuer à parler et que j’étais passée à autre chose.
Il est allé dans mon sens puis il a arrêté de me répondre. J’étais dévastée parce que j’aimais parler avec lui. Cette nouvelle image de lui qu’il m’avait montrée m’avait complètement séduite.
J’étais plus en colère contre moi-même de ne pas avoir réagi, que contre lui d’avoir « forcé ». Je lui ai envoyé un message pour lui demander pourquoi il ne répondait pas.
Silence… J’étais perdue.
Donc j’ai insisté et je me suis excusée, je me sentais coupable d’avoir tout gâché en ramenant cette histoire sur le tapis. Il m’a immédiatement rétorqué que je n’avais pas à m’excuser et que :
« Juste c’est compliqué de revenir à un mood plus simple après. C’est moi qui suis désolé. »
Je me suis sentie rejetée.
Quand j’ai engagé la conversation, je ne sais pas exactement ce que je cherchais. Des excuses, certes, mais je crois que j’étais à la recherche d’autre chose.
J’étais persuadée qui si nous parlions et que nous entamions une relation alors ça atténuerait ce qui c’était passé.
Ce soir-là je ne me suis pas sentie dépossédée de mon corps, je me suis sentie profondément utilisée et rejetée. Comme un objet avec lequel un enfant joue et qu’il finit par jeter sans considération à la poubelle.
En ne me répondant plus, il répétait encore et encore le même schéma de rejet.
J’ai finalement réussi à lui tirer les vers du nez et il m’a avoué qu’il ne voulait plus me parler à cause de cette conversation — même si selon lui elle était nécessaire — et parce qu’au final il s’était vraiment inscrit sur cette appli de rencontre pour combler l’ennui et qu’ « il y avait très peu de chance qu’il se chauffe pour un date ».
Ça m’a fait comme un électrochoc. Le prince charmant qui mérite une seconde chance était non seulement un lâche mais un profond goujat.
Du tac au tac je lui ai répondu :
« Ah donc je ne suis pas assez bien pour avoir un date, mais je suis assez bien pour être tripotée sur un banc à 6h du mat à mon insu ? Je suis déçue ! »
Et j’ai mis fin à la conversation.
Je me suis pardonnée d’avoir été victime d’agression sexuelle.
Ce que je retiens de cette histoire, c’est que c’est très difficile de qualifier une agression quand l’agresseur pourrait être l’un de vos amis, que ce n’est pas un inconnu ou un monstre.
Tout devient beaucoup plus complexe quand on est dans cette zone grise.
J’ai envie de croire que les gens changent et qu’on peut leur accorder une deuxième chance, même si dans mon cas il ne la méritait pas.
Ce qui est compliqué avec les dynamiques sexistes c’est qu’elles résultent d’un système qui a une plus ou moins grande influence sur les individus.
Néanmoins je pense que tout le monde est capable de changer une fois qu’il ou elle a pris conscience de ces dynamiques.
Deuxième chose, j’ai compris qu’il n’y a pas de victime idéale que chacun et chacune gère les choses comme il ou elle le ressent en fonction de sa sensibilité.
Ce n’est pas moi le problème, c’est lui.
Il n’avait pas à faire ça sans que j’ai exprimé explicitement mon consentement. C’est pour ça qu’à mon avis dans ce genre de situation la communication est indispensable.
Enfin j’ai ressenti le poids du victim blaming. Je m’en suis voulue de ne pas avoir su comment réagir. Je m’en suis voulue d’encore chercher à le séduire alors qu’il m’avait fait du mal.
Pourtant je pense que cette histoire a été positive, je suis passée à autre chose. Je lui ai pardonné mais je me suis surtout pardonnée à moi-même et c’est le plus important.
Réaction d’une lectrice de ce témoignage :
Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer…
C’est affligeant que des femmes puissent avoir une telle « logique » et c’est une insulte pour les personnes qui sont de réelles victimes d’agressions sexuelles…
Elle tient le discours typique d’une fille qui n’assume pas ses actes… C’est un scandale, je crois qu’elle devrait ouvrir un dictionnaire et lire la définition d’agression sexuelle….
Comment voulez-vous que notre société puisse évoluer dans le bon sens lorsque l’on lit ce genre de témoignage…. Notre société touche le fond, et c’est irrespectueux envers les personnes qui ont été victimes de vraies agressions…
Une femme qui a été violée dans un parc, n’aurait jamais envie, 5 ans plus tard, de revoir l’agresseur…. Et encore moins se dire être déçue qu’une relation ne soit pas née de cette expérience…. Elle n’était pas en situation d’impuissance, ni dans une situation où elle n’avait pas le choix comme cela a pu être le cas d’autres femmes…