Des journalistes de Libération ont enquêté sur la rédaction de France Info pour savoir s’il y existerait des cas de sexisme, car désormais c’est le jeu de celui qui dénoncera l’autre le premier dans le milieu des journalistes. Un panier de crabes cette affaire. Une affaire d’autant plus minable que les médias du service public passent leur temps à jouer les donneurs de leçon pour afficher leur supériorité morale par rapport aux ploucs de base.
Extrait de Libération :
«La rédaction est décapitée», s’alarme un journaliste. Au terme d’une enquête interne de plusieurs semaines, un journaliste du site de Franceinfo, dont la rédaction est logée au siège de France Télévisions, a été licencié pour faute grave, tandis que le rédacteur en chef et son adjoint ont eux été mis à pied le temps de nouvelles investigations sur leurs agissements.
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L’histoire retiendra en effet que c’est le salarié finalement licencié mardi pour faute grave en raison d’un «comportement inapproprié» envers les femmes de la rédaction qui a accéléré en personne toute l’affaire. Fin février, Nicolas E., ce journaliste de 34 ans spécialisé dans le traitement de données apprend qu’un hebdomadaire enquête sur des accusations d’agressions sexuelles le visant. Il décide d’en informer sa supérieure, Célia Mériguet, la directrice de la rédaction du site Franceinfo, et reconnaît devant elle avoir passé les bornes avec plusieurs stagiaires ou apprenties journalistes. Il lui est notamment reproché d’avoir embrassé de force une apprentie en novembre 2016 à la sortie d’un bar, ce qui relèverait d’une agression sexuelle comme le prévoit l’article 222-222 du code pénal. Il aurait également tenté d’embrasser une autre apprentie en novembre 2015. Dans une rédaction qui se débat depuis longtemps avec des comportements sexistes – au point d’organiser fin 2017 un séminaire pour y remédier – ce sera la goutte d’eau.
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D’après nos informations, une trentaine de personnes passées par la rédaction ou toujours en poste ont été auditionnées. Et dans le dossier final remis aux ressources humaines figurent, entre autres, les témoignages des deux femmes qui accusent le journaliste licencié d’agression sexuelle ainsi que deux autres témoignages faisant état d’avances appuyées auprès de salariées précaires. Pour la direction, ces agissements s’inscrivent dans un système où les victimes étaient toujours les mêmes : des stagiaires et des apprenties.
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Egalement mis à pied pour un mois, Bastien H., 34 ans, arrive à Franceinfo à la même période que Célia Mériguet et Thibaud V., et figure au cœur de tous les témoignages. Avant même le début de leurs contrats, Bastien H. aurait ainsi scruté la vie privée des nouvelles stagiaires et apprenties. «Il lui est arrivé d’aller fouiller les comptes Facebook des postulantes pour trouver des photos gênantes ou savoir quel genre de fille c’était», se souvient un membre de la rédaction.
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Mises bout à bout, ces anecdotes illustrent la manière dont sont considérées les jeunes femmes stagiaires au sein de la rédaction. «Pendant l’enquête interne, on a fait le calcul : on s’est aperçu que depuis au moins deux ans, il n’y a pratiquement eu aucun stagiaire homme à la rédaction», relate un journaliste. «Tout est très opaque. Ce sont les deux chefs qui choisissent les stagiaires ou les apprenties. Mais elles viennent toujours des écoles dans lesquelles ils enseignent et sont souvent très “mignonnes”», insiste un autre. Plusieurs journalistes se souviennent d’avoir entendu Bastien H. dire «elle, je vais en faire ma bitch» en parlant d’une future stagiaire. Cette phrase avait déjà été rapportée dans un article de Marianne publié en février qui ne citait cependant ni la rédaction ni le journaliste. Plusieurs journalistes évoquent par ailleurs une scène surréaliste : Bastien H. pointant son doigt sur le trombinoscope des élèves d’une école de journalisme, désignant les «baisables» ou «pas baisables». «Il commentait le truc en disant ‘je baise’, ‘je baise pas’. Je lui ai dit que ça ne se faisait pas, se remémore un témoin de la scène. Un peu plus tard, un journaliste m’a dit sur Slack que c’était osé de faire cette remarque à mon chef». Pressions ou autocensure?
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Un an plus tard, le malaise reste palpable à Franceinfo quand le site publie en exclusivité les résultats d’une enquête de l’organisation féministe Nous toutes, révélant l’ampleur du sexisme au sein des rédactions françaises. «C’est la honte. On porte un sujet important, mais chez nous c’est l’omerta», se désole un journaliste. Un embarras d’autant plus grand que, selon nos informations, ce sondage informel comportait deux témoignages concernant le site de Franceinfo : l’un évoquant des «comportements sexistes», l’autre des faits de «harcèlement sexuel». Mais pour la direction, l’affaire semble désormais close. En plus des sanctions, elle a annoncé plusieurs mesures : une formation pour la hiérarchie sur les violences sexistes, un séminaire sur la dynamique de la rédaction et la mise en place de groupes de parole sur les questions de harcèlement. Célia Mériguet espère désormais que «la rédaction puisse passer à autre chose et continuer de travailler». Pour autant, beaucoup restent inquiets et s’interrogent sur la suite : «On a quand même nos deux chefs mis en cause. Après ces mises à pied et leur retour, comment on va faire pour travailler à nouveau avec eux ?