LES MECS QUI SE DISENT FÉMINISTES SONT PROBLÉMATIQUES
Extrait :
En soirée, en manif ou au sein même des associations féministes, les profem (hommes pro-féministes) sont partout. Sous couvert d’un féminisme revendiqué, ils sont en réalité des prédateurs déguisés qui usent des théories et avancées féministes pour servir leurs propres intérêts. Décryptage.
“Au début il m’écoutait, me confiait être ‘à fond’ pour les féministes, et plus la soirée avançait, plus il me mansplainait sur le harcèlement de rue ou la culture du viol, remettait en cause mes ressentis, mon vécu face à la domination masculine, ou ne supportait pas que je contredise ses raisonnements. Toujours en précisant bien qu’il était féministe mais que là-dessus, j’avais tort…” Comme beaucoup de femmes, qu’elles soient militantes ou non, Marie, 29 ans, a croisé la route d’un profem. Un homme se revendiquant féministe, qui au premier abord est un allié bienvenu, mais qui se révèle en réalité être très problématique. Paternaliste, souffrant bien souvent du syndrome du nice guy, pétri de sexisme ordinaire et refusant de se remettre en question, le profem se revendique féministe pour soigner son image ou pour draguer plus facilement, notamment dans les milieux militants. “Les profem sont une plaie, c’est pire que les gros cons machos assumés qu’on voit venir à des kilomètres, explique Marie. Là, l’ennemi est plus vicieux, il s’infiltre sous ses airs de mec woke alors qu’il est hyper problématique.”
“Il y a une logique de prédation chez ces mecs-là, l’idée que le féminisme peut les aider à séduire.”
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Un bénéfice à retirer
Cette hostilité s’explique d’autant plus que les profem savent se fondre dans la masse. Ils connaissent le langage à adopter ou les expressions à bannir. Et pour cause, la plupart d’entre eux y voient un intérêt personnel comme l’explique Camille Dodet, féministe, autrice de plusieurs threads twitter sur les profem: “Il y a une logique de prédation chez ces mecs-là, l’idée que le féminisme peut les aider à séduire. Certains mecs disent carrément à leurs potes ‘si vous vous comportez bien, vous aurez plus de succès auprès des filles, vous choperez plus’.”
En abordant les droits des femmes comme un moyen de parvenir à leurs fins, les profem détournent bien souvent des principes de base du féminisme, les galvaudant pour qu’ils se conforment à leur vision autocentrée et intéressée de l’égalité. “Ce qui me fait tiquer, c’est par exemple les mecs qui sont de fervents féministes pro-sexe à base de ‘affirme ta sexualité, couche avec plein de gens, fais des photos dénudées, c’est féministe, c’est l’empowerment’, note Camille Dodet. Évidemment ça peut l’être, les femmes doivent pouvoir faire ce qu’elles veulent. Mais le fait d’insister autant sur des points qui, au final, leur bénéficieront directement, me semble toujours très suspect. Cette façon de justifier et d’encourager l’émancipation féminine, non pas au nom de l’égalité, mais dans une optique de bénéfice personnel est le nœud du problème.”
La non-mixité en question
Une approche toxique et dévoyée du féminisme qui induit forcément la question de la non-mixité dans le milieu militant, tant pour éviter l’intrusion de profem, que pour protéger et valoriser la paroles des femmes: “La structure sociale inégalitaire entre les femmes et les hommes ne s’arrête pas aux portes des collectifs féministes: la propension des hommes à plus parler en réunion, le fait d’être plus à l’aise pour prendre la parole publiquement ou encore l’habitude des joutes politiques produisent des comportements différenciés des femmes et des hommes dans les groupes féministes. Tous les collectifs mixtes ont fait cette expérience: la co-présence des femmes et des hommes nécessite un travail militant pour tenter d’empêcher la reproduction de la domination masculine, note Alban Jacquemart, qui rappelle que la mixité a toujours été questionnée par les militantes féministes. Fin XIXème-début XXème, les militantes ont commencé à interroger la légitimité des hommes à définir l’agenda politique et la stratégie du mouvement féministe: sans se couper des hommes, elles ont progressivement pris la direction du mouvement en interdisant les postes dirigeants des associations aux hommes. Dans les années 70, les militantes du MLF ont privilégié la non-mixité après avoir expérimenté le sexisme de leurs camarades hommes, notamment au moment de mai-juin 1968. Et depuis les années 2000, les initiatives féministes mixtes se sont quasi-systématiquement accompagnées de questionnements sur la ‘bonne’ manière de faire participer les hommes.”
“Le plus simple est aussi de cesser tout simplement d’exploiter les femmes de son entourage au quotidien.”
Et des bonnes manières justement, il y en a plusieurs. Écouter, s’éduquer, se remettre en question sont des indispensables pour chaque homme souhaitant œuvrer pour les droits des femmes. “Ce n’est pas facile de définir comment les hommes peuvent s’engager dans le féminisme, mais il y a tout de même certaines pistes comme aider financièrement les associations (NDLR : énorme ! Un homme féministe doit se taire mais on veut bien prendre son pognon…), si on en a les moyens ou venir aux manifestations mixtes pour faire du chiffre”, explique Camille Dodet, qui incite également les conjoints à garder plus souvent les enfants pour permettre aux mères de se rendre aux réunions, conférences ou manifestations féministes. S’occuper de tâches administratives ou logistiques dans les associations permet également de donner un coup de main tout en laissant la parole et la visibilité aux femmes (NDLR : globalement le reproche fait aux hommes féministes est de ne pas être suffisamment lèche-bottes ).