Témoignage d’une polyamoureuse :
En 2008, j’ai presque 30 ans, je suis au chevet de mon père mourant. Le jour de son décès, je reçois sur ma messagerie une pub pour Adopteunmec.com. Avec ma mère et ma sœur, on rit du marketing de ce site de rencontres, où l’on peut mettre des hommes dans un Caddie, on rit de ce rire libérateur que seuls les deuils savent fabriquer. Quelques jours plus tard, je décide de m’inscrire. A midi, je poste mon annonce. A 14 heures, je reçois un mail d’un dénommé Thomas. On s’écrit tout l’après-midi. A 20 heures, je le retrouve pour dîner. A 22 heures, je le demande en mariage. Sept ans plus tard, je l’ai vraiment épousé.
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Thomas m’a appris que ma vision des amours libres, ça avait un nom, venu des Etats-Unis : polyamory, soit le polyamour. Et une définition, qui serait « la possibilité de vivre simultanément des relations amoureuses consensuelles et éthiques ». Un mercredi par mois, on va au Café Poly, un petit bar en sous-sol du 20e arrondissement où se retrouvent une douzaine de personnes, qui se présentent et échangent.
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En 2011, j’ai 33 ans et on décide de faire un enfant à trois (?), avec Thomas et Aurélien. Thomas sera le père, Aurélien le parrain. Naît Aurore, et on emménage dans le quartier parisien de Belleville, dans un ancien atelier de couture transformé en loft. Un immense salon, des milliers de livres partout et trois chambres : une pour moi, une pour Thomas, une pour Aurore. Chacun son espace vital. Parfois, le soir, quand je rentre tard du boulot, j’entends de l’autre côté de la cloison Thomas rire avec l’une de ses autres amoureuses, Fred, une jolie jeune femme au carré fraîchement coupé, rencontrée à son cours de plongée. Je suis heureuse qu’elle le rende heureux.
Une « équipe parentale » à trois
Avec Aurélien et Thomas, on élève Aurore ainsi pendant quatre ans. On forme une « équipe parentale ». Aurélien habite dans un studio à dix minutes de notre appartement, il va chercher Aurore trois fois par semaine à la crèche, dort souvent à la maison avec moi. Toutes les décisions concernant notre enfant sont prises en concertation et à l’unanimité *. Et puis les enfants prennent comme norme ce qu’ils voient chez eux, donc ma fille Aurore trouve très naturel de me voir embrasser plusieurs garçons sur la bouche devant elle, rien n’est caché. Une famille, c’est ce qu’on décide d’en faire, comme dit le proverbe africain : « Il faut tout un village pour élever un enfant. »
« Un jour, je découvre que pendant deux semaines, il n’a pas prévu de passer de temps avec nous. Cela aboutira à notre rupture. »
En 2015, j’ai 36 ans. C’est la séparation d’avec Aurélien. On avait un agenda partagé pour s’organiser, le polyamour au quotidien étant une logistique lourde. Un jour, je découvre que pendant deux semaines, il n’a pas prévu de passer de temps avec nous, et c’est le début d’un conflit larvé qui aboutit à notre rupture. Pour Aurore, c’est très dur, mais c’est une décision de protection. Ce « divorce », c’est l’histoire d’une divergence idéologique. Avec Thomas, on appartient à la branche historique et conservatrice du polyamour, celle qui veut que la famille soit prioritaire. A l’inverse, Aurélien était plutôt tenant d’une ligne dite « d’anarchie relationnelle », où il n’y a jamais de hiérarchisation entre les relations.
*Toutes les décisions concernant notre enfant sont prises en concertation et à l’unanimité, traduction : si je ne suis pas satisfaite l’espace d’une seconde, je le fais dégager.
Extrait d’un article du site lemonde.fr
D’autres articles de ce site font la promotion du cocufiage généralisé :
…les plus généreux d’entre vous demanderont comment gérer les sentiments de l’autre – bizarrement sans préciser, de quel autre parlons-nous ? L’épouse ou la maîtresse ? Le cocufié ou le cocufiant ?
Ici, les choses sont claires : ce sont les sentiments de l’autre, vous ne pouvez donc pas en être responsable (?? ...énorme faille logique pour tenter de se justifier moralement). Ce cerveau n’appartient pas à votre zone de contrôle, sauf à jouer (et talentueusement !) avec vos amants et conjoints. Auquel cas vous êtes un prédateur ou une sociopathe, et nous ne serons pas amis. Si on vous fait du chantage, résistez au chantage et traitez l’autre comme l’adulte qu’il ou elle est – quitte à le lui rappeler au passage.
Pour résumer, il me semble raisonnable d’opter pour une stricte séparation des biens et une encore plus stricte désacralisation des sentiments (même si, sur le moment, c’est joli). La seule relation à trois qui peut poser problème est celle qui se joue entre vous, votre entourage et votre culpabilité. Mais ça ? C’est une autre histoire encore.