Le producteur hollywoodien Harvey Weinstein (ci-dessus avec sa femme) a acheté le silence des acteurs et des actrices pendant des décennies. Parfois, leur silence était acheté avec de fortes sommes d’argent et les actrices signaient un accord de non-divulgation et de confidentialité concernant les abus sexuels. Parfois, leur silence était tout simplement acheté avec des rôles dans des films à gros budgets.
Hollywood est comme un petit village, dans lequel tout le monde sait, mais personne ne parle. L’un de ses membres les plus importants, Harvey Weinstein, est accusé par des dizaines de femmes de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles et de viols commis au cours des vingt dernières années. Des allégations qui ont provoqué une onde de choc aux États-Unis, où le New-Yorkais est une personnalité connue et respectée bien au-delà de l’industrie cinématographique.
D’abord basée sur quelques témoignages, dont ceux des actrices Rose McGowan et Asia Argento, l’affaire Harvey Weinstein concerne désormais des dizaines de femmes, qui s’expriment au fur et à mesure que les jours passent. Ces révélations sur l’ancien patron de Miramax semblent entraîner tout le gratin d’Hollywood dans la chute du producteur tant son influence est importante dans le milieu.
Les témoignages s’accumulent, certaines stars affirment qu’elles n’étaient pas au courant, quand d’autres avouent connaître la vérité depuis de nombreuses années. L’impunité qui a entouré Harvey Weinstein pendant toutes ces années est la conséquence d’une omerta.
Acte 1 : le “New York Times” crève l’abcès
Les actes d’Harvey Weinstein auraient pu rester inconnus du grand public pendant longtemps si le New York Times n’avait pas crevé l’abcès le 5 octobre dernier. Dans un article intitulé Harvey Weinstein a payé pendant des années celles qui l’accusaient de harcèlement sexuel, le quotidien américain donne la parole à plusieurs femmes qui ont été harcelées par le producteur américain. Parmi elles, des grands noms du cinéma américain comme Ashley Judd et Rose McGowan, mais aussi des inconnues qui ont travaillé auprès du magnat du cinéma.
L’article précise que certaines des plaintes dévoilées datent d’une trentaine d’années et ont eu lieu lorsque le producteur travaillait au sein de sa première entreprise, Miramax Film, cofondée avec son frère Robert. Parmi les personnes interrogées, beaucoup de celles ayant travaillé pour Harvey Weinstein admettent avoir eu connaissance de ses agissements. Mais aucune d’elles n’avaient osé briser le silence avant la parution de cet article, dans lequel elles témoignent de manière anonyme.
Ce n’est pas la première fois que le New York Times évoque les agissements d’Harvey Weinstein : une première tentative avait eu lieu en 2004 par le biais d’un article rédigé par la journaliste Sharon Waxman. Cette dernière explique sur son site The Wrap que l’enquête qu’elle a menée avait alors été censurée par le quotidien, sous la pression de grands noms d’Hollywood, comme Matt Damon et Russell Crowe, qu’elle nomme directement.
Les stars d’Hollywood se divisent alors en deux catégories : celles qui admettent avoir toujours eu connaissance du comportement d’Harvey Weinstein, comme Jessica Chastain, et celles qui affirment ne pas avoir été au courant, à l’instar de Meryl Streep. Cette dernière est une proche du producteur, qu’elle a appelé “mon dieu” lors de l’acceptation de son Golden Globes en 2012.
Acte 2 : Harvey Weinstein s’excuse mais est licencié de son entreprise
Harvey Weinstein tente de présenter ses excuses, mais ses propos n’en sont pas vraiment puisqu’il explique avoir “grandi dans les années 60 et 70, quand toutes les règles sur le comportement et les lieux de travail étaient différentes”. Pour son avocate Lisa Bloom, Harvey Weinstein est surtout un “vieux dinosaure qui apprend de nouvelles manières”.
Dans un communiqué adressé à l’AFP, le producteur tente de faire amende honorable : “Je réalise que la façon dont je me suis comporté avec des collègues par le passé a causé beaucoup de douleur, et je m’en excuse sincèrement. Mon chemin sera maintenant d’apprendre à me connaître et maîtriser mes démons”.
Le 8 octobre, trois jours après la publication de l’enquête dans le New York Times, Harvey Weinstein est licencié de son entreprise, The Weinstein Company, qu’il a cofondée avec son frère Robert. La décision, prise par le conseil d’administration de la boîte de production, intervient alors que les témoignages commencent à s’accumuler contre le producteur.
Acte 3 : les témoignages s’accumulent
Les témoignages recueillis dans le New York Times, qu’ils aient été donnés par des personnalités ou par des anonymes, ouvrent la voie à de nouvelles accusations. Le mardi 10 octobre, le magazine américain New Yorker publie un article dans lequel des femmes qui accusent Harvey Weinstein et racontent le déroulé des événements.
Parmi elles, l’actrice italienne Asia Argento, qui affirme avoir été violée par le producteur : c’était en 1997, dans une chambre d’hôtel de la Côte d’Azur. “Cela ne s’arrêtait pas, se souvient-elle, c’était un cauchemar”. L’actrice a partagé une vidéo sur Twitter, qu’elle a écrite et réalisée en 1999 et qui fait écho au traumatisme dont elle témoigne. D’autres noms du cinéma américain, comme Rosanna Arquette, Gwyneth Paltrow et Angelina Jolie, évoquent la teneur des avances qu’elles ont dû repousser.
Deux actrices françaises figurent également parmi les premiers noms des femmes victimes d’Harvey Weinstein. Emma de Caunes explique avoir rencontré le producteur lors du Festival de Cannes en 2010. Invitée par ce dernier à déjeuner, elle le rejoint au Ritz pour discuter d’un scénario dans lequel il souhaite lui offrir un rôle. Harvey Weinstein lui aurait alors demandé de monter dans sa chambre afin de lui remettre un livre, celui sur lequel le film est basé.
Il se serait alors mis nu et aurait invité l’actrice à le rejoindre sur le lit, lui assurant que d’autres femmes l’avaient fait avant elle. “J’étais pétrifiée, raconte Emma de Caunes. Mais je ne voulais pas lui montrer, parce que je sentais que plus je paniquais, plus ça l’excitait. C’était comme un chasseur avec sa proie”. Harvey Weinstein l’aurait ensuite harcelée de coups de téléphone pour lui proposer des cadeaux et lui répéter que rien ne s’était produit.
Judith Godrèche affirme dans le New York Times avoir dû elle aussi refuser les avances d’Harvey Weinstein lors du Festival de Cannes en 1996. Âgée de 24 ans, l’actrice vient de tourner dans le film Ridicule de Patrice Leconte et ne sait pas qui est le patron de Miramax. Il lui propose de lui faire un massage, ce qu’elle refuse : “Ce dont je me souviens ensuite, c’est qu’il m’a serrée contre lui et m’a retiré mon sweat”, confie-t-elle au quotidien.
Un document sonore publié par le New Yorker permet d’entendre une conversation enregistrée à son insu par le mannequin italien Ambra Battilana Guttierrez. Il demande à cette dernière de venir dans sa chambre et, face à ses refus répétés, lui demande de ne pas “l’embarrasser dans cet hôtel dans lequel je viens tout le temps”.
La voix douce, qui se veut rassurante, Harvey Weinstein promet à la jeune femme qu’il ne se passera rien, qu’il souhaite juste qu’elle s’assoie avec lui afin qu’ils puissent discuter tranquillement. Les refus qu’elle objecte n’ont aucun effet sur lui : le producteur n’a pas l’habitude qu’on lui dise non et il n’aime pas cela.
Face à ces accusations qui s’accumulent et s’intensifient, Harvey Weinstein change sa défense et aurait décidé de se faire soigner. Les sites consacrés aux people TMZ et Page Six affirment le mercredi 11 octobre que le producteur a décidé de suivre un traitement en Europe, au sein une clinique spécialisée dans les addictions sexuelles. Une décision qui sonne bien mais qui pourrait aussi être un moyen déguisé d’échapper à la justice de son pays.