«Lorsque je me laisse sombrer dans le sommeil, je sens sa présence.» Mathilde frissonne en me racontant son histoire et en évoquant «son monstre». «C’est d’abord une intuition, mais je sais qu’Il est là. Puis, j’ai des acouphènes: c’est le signal de sa venue. Soudain, je le vois distinctement apparaître dans l’entrebâillement de ma porte de chambre. Une ombre lointaine d’abord, mais qui se rapproche petit à petit. Je vois sa cape, son masque : il me regarde. Il vient vers le lit doucement. À ce moment-là, je voudrais crier, prévenir mon compagnon qui dort à côté de moi, mais je ne peux pas bouger. Je suis paralysée!»
Et cette sensation terrifiante se répète presque tous les soirs. L’angoisse la prend à la seule idée d’aller au lit. Mathilde souffre de paralysies du sommeil.
Largement méconnues, les paralysies du sommeil sont pourtant un phénomène très fréquent. On estime que 5 à 40 % des personnes en souffriront au moins une fois dans leur vie. On parle même de 2 à 60 %. Une fréquence moyenne qu’on estime autour des 8%. Comme Mathilde, cette paralysie et les hallucinations qui y sont liées terrifient ceux et celles qui en souffrent. Un véritable scénario de film d’horreur. D’ailleurs, deux thrillers sortis récemment –Mara (2018) et Slumber (2017)– s’inspirent de ce phénomène.
Depuis Freddy Krueger, le sommeil et la vulnérabilité où il nous plonge sont une des grosses ficelles du genre. Sauf que contrairement aux Griffes de la nuit, là il s’agit d’une vraie maladie.
«Je cherche à crier, à me débattre, mais je ne peux pas bouger»
«Il y a trois états. Éveillé, endormi et quelque part entre les deux…» La bande-annonce du film Mara résume bien ce que ce sont ces paralysies. Un état intermédiaire où des morceaux de sommeil entrent en jeu alors que l’on est encore éveillé. La paralysie de sommeil survient à l’endormissement ou à l’éveil, lors d’une entrée ou une sortie trop rapide du sommeil paradoxal. C’est dans ce stade du sommeil que se déroulent la plupart des rêves. Lorsque nous rêvons, l’esprit s’agite, mais le corps est paralysé. Une atonie musculaire qui nous protège en nous évitant «d’agir notre rêve». La paralysie de sommeil est donc une intrusion du sommeil paradoxal et de son atonie musculaire alors que la personne est encore éveillée. À cette paralysie motrice s’associe dans 60 à 70% des cas un phénomène d’hallucination, une sorte de rêve éveillé. Le tout en étant conscient, ce qui rend la chose si terrifiante.
C’est exactement ce que décrit Mathilde. «Le monstre se penche alors vers moi, j’ai l’impression qu’il enlève mes couvertures. Puis, il appuie de toutes ses forces sur ma poitrine et j’ai cette sensation d’étouffement insupportable. Je cherche à crier, à me débattre, mais je ne peux pas bouger.»