Martyre de cette élection, elle écrit une lettre ouverte aux haineux intolérants qui ont voté pour ce monstre :
Cher ami qui a voté pour que Donald Trump devienne le président des États-Unis,
Triste et épuisée dans une chambre d’hôtel outre-atlantique, je me demande comment tu te sentais ce matin, toi, en te réveillant.
Est-ce que la victoire de ton candidat t’a rendu survolté? Heureux? Est-ce que tu t’es fait un café, que tu t’es installé bien confortablement et que tu as pensé: «Bien joué, l’Amérique»? Est-ce que tu étais ravi d’avoir choisi le chemin qui allait engager ton pays sur la voie de… de quoi? De la grandeur? As-tu songé à ce que ce mot signifie pour toi et à ce que le slogan utilisé comme principal argument électoral par ton candidat–«rendre sa grandeur à l’Amérique»–signifiait pour d’autres? Surtout la partie «rendre»? Pour les Amérindiens, qui ont été spoliés, tués, parqués de force dans des réserves dans l’Amérique d’autrefois, celle qui avait tant de «grandeur»? Pour les noirs, descendants d’anciens esclaves, exploités par les blancs afin de construire la fortune d’Américains blancs et uniquement celles d’Américains blancs–dis-moi, à quelle époque, historiquement, l’Amérique a-t-elle fait preuve de grandeur pour ce groupe? Quand les blancs les traitaient, eux et leurs descendants, comme du bétail, puis comme des citoyens de seconde zone, lorsqu’ils les lynchaient et faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher la création d’écoles ou de quartiers mixtes? Ou quand la violence policière contre les noirs a déclenché une spirale de violence qui engendre toujours plus de morts, toujours plus de vies gâchées, dans une guerre qui ne dit pas son nom? Est-ce que tu t’es réveillé convaincu d’avoir pris une décision qui allait permettre de panser ces blessures?
[…]
J’ai pris comme un coup de poing dans le ventre en voyant les premiers messages arriver. Ceux d’amis, qui suivaient les élections pendant la nuit et m’envoyaient des infos à mesure. Je n’ai regardé que leurs derniers messages. Je savais que c’était les seuls que j’avais besoin de voir pour savoir ce qui était arrivé. «Je ne comprends pas ce qui se passe», disait l’un. Et un autre, de mon petit ami qui savait à quel point ces élections m’avaient angoissée: «Je suis vraiment désolé. J’aimerais être là pour te serrer dans mes bras.» J’ai fermé les yeux et j’ai dû refouler mes larmes. Je me sentais engourdie. Mais je ressentais aussi un truc qui me faisait enrager: je me sentais trahie.
[…]
Je suis convaincue que c’était un très mauvais choix. Je suis convaincue que c’était un choix qui a conduit le monde dans une situation pire qu’avant en engendrant de la violence en cours de route. Je suis convaincue que tu as laissé parler la haine, et aussi ton privilège de blanc et ta peur de le perdre. Mais ce qui m’ennuie le plus, c’est que c’est un choix qui me pousse à me demander si je n’ai jamais vu en toi celui que tu étais vraiment. Parce que les choix d’un homme découlent de ses convictions.